Les maisons de production Marodi et Even-Prod n’en finissent plus d’être la cible de faussaires en quête d’emprise sur de jeunes femmes vulnérables. Cette fois, elles ont décidé de saisir la justice. Selon les informations rapportées par L’Observateur, le 31 juillet 2025, les policiers de la brigade de recherches de Dakar ont mis la main sur Farid Gloire Ntari, un cyberprédateur accusé d’avoir tendu un piège sexuel à une jeune femme, en se faisant passer pour un agent de casting des sociétés Marodi et Even-Prod. L’affaire a conduit ces deux mastodontes de l’audiovisuel sénégalais à engager des poursuites judiciaires pour usurpation d’identité.
Les logos de Marodi, ceux d’Even-Prod, et derrière, le même scénario toxique qui se répète. Des faux castings, des promesses de rôles dans des séries à succès, des pièges tendus à de jeunes femmes prêtes à tout pour réaliser leurs rêves d’écran. Cette fois, l’escroquerie a viré au drame sexuel. La réponse sera judiciaire. L’Observateur rapporte que Massamba Ndour, directeur général de Marodi, joint au téléphone, a annoncé qu’il allait introduire une plainte en bonne et due forme : « Ce n’est pas la première fois qu’on utilise notre nom pour abuser les gens, mais cette fois, ça va loin. Nous devons protéger notre image. » Even-Prod, également citée dans l’affaire, ne compte pas rester spectatrice. Ibou Guèye, son directeur, avait déjà saisi un avocat dès les premières alertes de faux profils circulant sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, la détermination est ferme.
Il s’agit à la fois d’une usurpation de marque et d’une prédation déguisée en opportunité. Depuis plusieurs années, les producteurs sénégalais vivent sous la menace invisible de réseaux d’arnaqueurs qui pillent leur identité pour ferrer de jeunes aspirantes actrices. L’Observateur souligne qu’à Marodi, la lassitude a laissé place à l’exaspération. La maison de production, très en vue au Sénégal, voit son image parasitée par des individus anonymes qui recyclent ses logos et les visuels de ses séries à succès pour tendre des pièges sordides.
Même son de cloche chez Even-Prod, où les équipes en ont assez d’éteindre des incendies qu’elles n’ont pas allumés. « C’est une véritable industrie parallèle qui s’est créée sur notre dos, avec des prédateurs qui connaissent les codes du milieu et savent comment manipuler les rêves de célébrité », tonne Ibou Guèye dans L’Observateur.
Les fausses annonces de casting pullulent sur TikTok, Facebook, WhatsApp… Tous les canaux sont bons pour diffuser des messages promettant aux jeunes femmes une place dans les séries phares de Marodi ou Even-Prod. Les logos sont là, les visuels soignés, les discours bien rodés pour ferrer les plus naïves. À plusieurs reprises, Even-Prod, par l’entremise de ses agents, a diffusé des vidéos de sensibilisation pour alerter les jeunes femmes contre ces faux profils, mais le fléau persiste. Cette fois, il ne s’agira pas seulement de réparer un tort, mais de faire jurisprudence. L’affaire Farid Gloire Ntari, rapportée en détail par L’Observateur, constitue un tournant. Cet homme a manipulé l’image de ces maisons de production avec une perversité clinique.
Comment Farid traquait ses proies
Derrière son écran, Farid tissait sa toile avec une minutie presque professionnelle. Tout commence par une annonce anodine sur TikTok, un simple post concernant la location d’un appartement. C’est ainsi qu’il a ferré D. Diallo, fraîchement débarquée de Kolda, qui cherchait un logement à Dakar. Rapidement, l’offre immobilière s’efface derrière une proposition plus tentante : devenir actrice chez Marodi.
Farid sait parler à ses cibles. Il maquille son discours, introduit un faux directeur de casting, « Ousmane Ndiaye », joue sur la crédulité et les aspirations de D. Diallo. Il prétend même collaborer avec Even-Prod. Le piège est tendu, vicieux. Il demande d’abord des photos anodines, puis de plus en plus intimes, jusqu’à exiger un rapport sexuel filmé, présenté comme une étape « classique » du processus de sélection.
Naïve et convaincue de traiter avec des professionnels, la jeune femme finit par céder. Elle découvre plus tard que ce fameux « Ousmane Ndiaye » n’existait pas. Ce faux personnage avait été entièrement inventé par Farid, qui utilisait plusieurs numéros de téléphone pour entretenir l’illusion.
Selon L’Observateur, la plainte de D. Diallo, déposée le 1er juillet 2025, a déclenché une traque rigoureuse. Les policiers de la brigade de recherches ont mis en œuvre des techniques inspirées de la chasse aux prédateurs numériques. Les enquêteurs, dirigés par l’adjudant-chef Issa Sow et l’adjudant Papa Birama Diop, savaient qu’ils avaient affaire à un individu méticuleux, capable de brouiller les pistes.
La stratégie adoptée : inverser le piège. À la demande des enquêteurs, la victime accepte de reprendre contact avec Farid, qui reste méfiant, change les lieux de rendez-vous, impose ses conditions. Mais il ignore que le dispositif de surveillance est en place. Grâce à une exploitation avancée des données numériques, les policiers identifient son lieu de résidence à Keur Massar. Le 31 juillet, l’opération est lancée. L’intervention est discrète, rapide. Farid Gloire Ntari est interpellé dans sa chambre. Pris au piège par ceux qui, cette fois, maîtrisent la toile mieux que lui.
Un arsenal numérique accablant
La perquisition est fructueuse : quatre ordinateurs, deux tablettes, une caméra, un disque dur externe, et surtout, une clé USB contenant des vidéos compromettantes ainsi que des messages de menaces envoyés à D. Diallo. Confronté à l’évidence, Farid plie.
Il reconnaît tout : la supercherie, les faux profils, le chantage, les manipulations. Il avoue avoir fait croire à D. qu’il était un agent de Marodi, avoir usurpé l’identité d’« Ousmane Ndiaye », utilisé deux numéros différents pour entretenir cette illusion, et avoir exigé des actes sexuels sous prétexte de casting. Il confesse même avoir transmis une vidéo compromettante à la sœur de la victime pour accentuer la pression.
L’Observateur rapporte que les policiers ont documenté minutieusement l’affaire : réquisitions auprès de la Cellule nationale de lutte contre la cybercriminalité, saisie des scellés, prolongation de garde à vue… Tout est fait pour garantir la solidité du dossier. Le 4 août, Farid a été déféré devant le procureur pour : harcèlement sexuel, chantage, détention et diffusion de contenu pornographique non autorisé, traitement illicite de données personnelles. Des infractions très graves, sévèrement réprimées par le Code pénal sénégalais et la loi sur la cybercriminalité.
Pour Marodi et Even-Prod, cette affaire doit marquer un tournant. Au-delà de la protection de leur image, il s’agit de restaurer la confiance d’un public de plus en plus méfiant face à la prolifération des faux castings. « Ce n’est pas seulement notre image qui est salie, c’est la crédibilité de tout un secteur », insiste Ibou Guèye, cité par L’Observateur. Les maisons de production, conscientes de la récurrence de ces arnaques, en appellent à une vigilance accrue. Car ce drame, aussi sordide soit-il, n’est que la partie visible d’un iceberg, où la naïveté des victimes est exploitée par des esprits sans scrupules.